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N’oublie pas d’être heureuse - Christine Orban

Ma mère disait : "N'oublie pas ton chapeau. "
Mon père disait : "N'oublie pas d'être heureuse. "
Comme s'ils pressentaient à quels dangers je pourrais m'exposer...

Dans ce roman teinté d'humour et de mélancolie, Christine Orban touche à l'essentiel de toute vie.

L'AUTEUR : Christine Orban a notamment publié aux Éditions Albin Michel L'Ame soeur (1998), J'étais l'origine du monde (2000), Fringues (2002), Le Silence des hommes (2003), La Mélancolie du dimanche (2004), Deux fois par semaine (2005) et Petites phrases pour traverser la vie en cas de tempêtes...et par beau temps aussi (2007).

Extrait du livre :
J'ai toujours rêvé d'être snob.
La première fois que le mot «snob» a traversé mon esprit, c'était sur la plage de Pont-Blondin, un petit village près de Fédala, après l'avoir entendu sans le comprendre de la bouche de notre cousine Fifi.
Snob résonnait comme un de ces noms de chien que mon père affectionnait, un nom court, autoritaire, qui claquait comme un ordre : «Snob, au pied», «Snob, couché.»
Snob aurait pu convenir à notre nouveau braque allemand, si le calendrier n'avait exigé un nom qui commence par la lettre P.
Mon père, qui avait un certain esprit de contradiction, décida d'appeler notre chien : «Plouc».
C'est ainsi que je devinai que Snob devait être le contraire de Plouc.
La différence entre les habitants de Fédala et ceux que Fifi appelait «snobs» devait être aussi criante qu'entre ses souliers de marque cousus main et des godasses vendues derrière les planches pour quelques dirhams.
Ce fut elle qui inocula le mot dans notre famille. Il s'y développa différemment, comme les virus selon la réceptivité de chacun.
À Fédala, le paysage ne porte pas toujours au rêve ; à l'horizon derrière la maison, il n'y a qu'un champ parsemé de boîtes de conserve rouillées, de chardons desséchés au soleil, de sacs en plastique déchirés accrochés comme des étendards à leurs branches. Par-ci, par-là des cadavres d'ustensiles ménagers voisinent avec celui d'un chat ou d'un oiseau.
Et cependant, dans cet univers chaotique nous trouvions quelque chose à admirer, les épis de blé et les frêles coquelicots, comme autant de miracles sortis de cette terre rouge, dure comme de la roche.
Je ne parle pas du ciel. Le ciel de Fédala est toujours bleu, si bien que l'on ne s'en réjouit pas. Aucun nuage n'entache jamais l'horizon. Le bleu est la couleur normale. Un bleu plat, un bleu sans surprise. Figé, bloqué sur la touche indigo.
Le ciel et les habitants de la région forment un vieux couple. Mes parents aussi étaient un vieux couple et mon père ne s'émouvait plus depuis longtemps de la beauté de sa femme. C'est ainsi. Fifi prétendait qu'à Paris le ciel est vivant, qu'il gronde, s'illumine, passe du bleu au noir, change sans cesse.


N’oublie pas d’être heureuse
Christine Orban
Ed. Albin Michel - 15,20 €

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